Elise Galpérine

La Folie Giovanna, c’est le roman du faux-semblant bourgeois : l’ordre règne en maître débonnaire dans cette maison patricienne où l’on cultive une fantaisie millimétrée, grossie de fadaises dynastiques et de petites vacheries spirituelles. Dimanches écrasés de soleil, siestes au bord de l’eau, crin-crin civilisé du râteau sur le gravier… la vie, imperturbable, submergerait volontiers les non-dits et les rancoeurs accumulées si elle ne s’acharnait sur le plus innocent de la fratrie. Or, par sa bravoure et ses pleurs, par sa lucidité malgré l’atrocité de la douleur, cet enfant meurtri va révéler les fêlures et l’impossible équilibre d’une famille de « taiseux ». Ces fragilités lissées qui confinent si volontiers à la folie rappellent l’univers de Chardonne, ou de Mauriac moins l’ennui. Elles offrent un terrain de jeu particulièrement favorable à l’auteur du Murmure des tissus, qui nourrit sa fantaisie de réminiscences savantes et son ton inimitable d’une tendresse pleine de tact.