Edmond Agabra

Un homme à qui son passé échappe travaille chez un éditeur, en qualité de "nègre", à la rédaction de mémoires signés par des célébrités - et leur invente, à l'occasion, des souvenirs qui sont peut-être les siens. Mais n'est-ce pas lui qui, au piège des mots, risque de se laisser prendre? Rendu à la solitude, il continue à écrire : mais pour son propre compte cette fois, et l'inquiétante fantaisie qu'il mettait à imaginer l'existence des autres envahit bientôt sa vie, tandis que le monde alentour insensiblement se plie aux lois qui d'ordinaire gouvernent les songes...
A la suivre au long de ses aventures funambulesques, qui obéissent pourtant au fil d’une troublante logique, c’est à une remontée vers l’enfance que nous sommes conviés, raison et folie échangeant subrepticement leurs masques, tandis que le voile peu à peu se lève sur ce passé qu’il a failli un jour gommer à tout prix. Dès lors s’éclaire un itinéraire dont l’apparente incohérence était elle-même un leurre, puisque l’objet du voyage n’était pas tant dé découvrir le monde que de répéter, jusqu’à complète élucidation, l‘énigmatique pantomime en laquelle se résout toute vie. Au bout de quoi, exorcisée la faute qui scelle en secret chaque destin, nous découvrons avec le narrateur que le chemin à parcourir figure toujours un retour : vers la source où s’abreuvent les monstres qui ont hanté nos enfantes – ces chimères que la mémoire permet d’apprivoiser, pour peu qu’on veuille bien en affronter ma cruelle ménagerie.